LES SOEURS NARDAL, pionnières de la Négritude.

LES SŒURS NARDAL EN BD

Après la BD consacrée à Louis Thomas ACHILLE dans la revue Les rues de Lyon (n° 43 – Juillet 2018), c’est au tour des sœurs Nardal ses cousines germaines, de voir leur histoire racontée en … Lire la suite deLES SŒURS NARDAL EN BD

Les sœurs Nardal, les oubliées de la négritude



De la négritude, on connaît les pères : Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas. Mais ce mouvement culturel et politique aurait-il existé sans les sœurs Paulette et Jeanne Nardal ? Ces deux intellectuelles martiniquaises, journalistes et féministes, ont été des figures centrales du Paris Noir dans les années 1920 et des symboles forts des luttes antiracistes et féministes. Elles ont été parmi les premières à théoriser la « conscience noire » et son éveil.
Outre-mer la 1ère • Publié le 14 mars 2023 à 17h54
Les Années folles, Joséphine Baker, la danse, les music-halls, le charleston. Paris en effervescence a la cote. Entre les deux guerres, la Ville-Lumière est aussi un refuge pour beaucoup d’artistes afro-américains. Pas de répression ni de ségrégation.

Arrivée à Paris
La capitale française les accueille à bras ouverts. C’est dans ce contexte particulier que Paulette Nardal pose ses valises pour suivre des études secondaires. Elle est très vite rejointe par d’autres de ses sœurs.

L’arrivée à Paris est un choc pour l’aînée de cette fratrie, issue de la bourgeoisie antillaise. L’enthousiasme, l’engouement et la fascination autour de l’art africain-américain lui posent problème. Le terme n’est pas explicitement cité mais, très vite, ses sœurs et elle prennent conscience de leur « négritude ».

Les sœurs Nardal, précurseures de la négritude
Dès lors, les prémices de ce courant littéraire, politique et culturel sont posées. Pourtant, l’histoire ne va retenir que le nom de trois hommes : Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran-Damas. Ces trois intellectuels seront surnommés, plus tard, les « chantres de la négritude ».

Nous n’étions que des femmes, mais de vraies pionnières.

Paulette Nardal

Le rôle capital de leur salon à Clamart
Mais ce terme aurait-il existé sans les sœurs Nardal ? Car ce sont bien elles, les premières, à avoir théorisé cette « conscience noire ». Très tôt, dans leur salon rue Hébert, à Clamart, en banlieue parisienne, elles organisent des clubs d’échanges et de lecture autour de la question noire.

Leur objectif est de fédérer le maximum de personnes issues de la diaspora pour parler actualité, politique de la place des Noirs dans la société. Césaire, Senghor, Damas et de nombreuses personnalités (la Harlem Renaissance, les écrivains Alain Locke et Claude McKay, la sculptrice Augusta Savage, le penseur Marcus Garvey, le premier prix Goncourt noir René Maran…) s’y précipitent chaque dimanche.

Les liens qui se créent entre Paulette Nardal et les artistes et écrivains afro-américains sont très forts parce qu’ils reposent sur une conscience, nègre, jeune, fraîche, riche et émergente…

Etienne Achille, petit-cousin de Paulette Nardal
J’étais portée par un grand mouvement de cœur et de fraternité, j’avais retrouvé des frères jusque-là ignorés, je me suis donnée à leur cause dans le plus grand enthousiasme.

Paulette Nardal

Création de La revue du monde noir
Paulette et sa sœur Jeanne créent ensuite, en 1931, La revue du monde noir : un recueil de poésie et de réflexions sur l’art noir. Elles souhaitent élever la voix de la conscience noire et que la diaspora du monde entier apprenne à mieux se connaître.

Dorénavant, il y aurait quelque intérêt, quelque originalité, quelque fierté à être nègre, à se retourner vers l’Afrique, berceau des nègres, à se souvenir d’une commune origine.

Jeanne Nardal
Les « chantres de la négritude » vont peu à peu quitter ce milieu de l’intelligentsia africain-américain mais se réapproprier ce courant culturel et s’y référer notamment dans leur lutte pour les peuples opprimés. Sous influence communiste, ils vont notamment se battre pour l’indépendance des pays colonisés. Un combat opposé aux préceptes de Paulette Nardal, chrétienne, conservatrice, profondément républicaine, pour la dépendance des colonies. Paulette Nardal ne s’est pas illustrée que pour la cause noire, elle s’est aussi investie dans d’autres sujets comme le droit de vote des femmes en Martinique, ainsi que les violences conjugales dont certaines étaient victimes.

Intervenants
Étienne Achille et Jean-Louis Achille, petits-cousins de Paulette Nardal
Annie Ramin, nièce de Paulette Nardal
Jacques Catayée, directeur de la chorale Joie de Chanter
Tracy Denean, historienne en études afro-américaines à l’Université Vanderbilt
Brent Hayes Edwards, professeur de littérature à l’Université de Columbia
Philippe Grollemund, auteur des Mémoires de Paulette Nardal
Catherine Marceline, présidente de l’Association Paulette Nardal au Panthéon
Valérie-Ann Edmond Mariette, historienne de la musique antillaise
Écrit par Léa Mormin-Chauvac et Marie-Christine Gambart

Réalisation Marie-Christine Gambart

Produit par Morgane Production / Une prod à soi / France Télévisions

Documentaire inédit, durée 52 minutes – © 2022

D’autres articles, pour aller plus loin
Paulette Nardal, l’architecte oubliée de la négritude

Podcast. « L’Oreille est hardie » évoque Paulette Nardal, femme d’esprit et de chœur

Paulette Nardal, intellectuelle martiniquaise féministe, penseuse de la Négritude dans « Histoire de… « 

Archives d’Outre-mer – Paulette Nardal racontée par ses proches

Le documentaire Les soeurs Nardal, les oubliées de la négritude, écrit par Léa Mormin-Chauvac et Marie-Christine Gambart, pour France 5 // Source : France Tv

FÉMINISME

Ce documentaire sur les sœurs Nardal rappelle des racines méconnues de l’afro-féminisme en France

Anthony Vincent

 Publié le 26 mars 2023 à 10h30  2

  1. MADMOIZELLE 
  2. SOCIÉTÉ 
  3. FÉMINISME

Le documentaire Les soeurs Nardal, les oubliées de la négritude, écrit par Léa Mormin-Chauvac et Marie-Christine Gambart pour France 5, honore la contribution méconnue et pourtant inestimable de Paulette Nardal et ses sœurs pour la Négritude, l’afro-féminisme et le féminisme intersectionnel.

Si l’horreur de l’esclavage, les questions coloniales et d’indépendance n’occupent que quelques pages dans les manuels d’histoire en France, on les rattache surtout à quelques noms, d’hommes évidémment : Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire et Léon-Gontran Damas. Pourtant, le mouvement artistique et politique de la Négritude qu’ils ont co-fondé et qui a sous-tendu les luttes d’émancipations des peuples noirs a bénéficié de l’apport inestimable et méconnu de femmes : les sœurs Nardal, comme l’illustre un puissant documentaire. Diffusé pour la première fois le 12 mars 2023 sur France 5, Les soeurs Nardal, les oubliées de la négritude vient pallier leur invisibilisation et reste disponible en replay jusqu’au 20 septembre 2023 sur le site de france.tv.

https://2112100717b00e937395338ad5a32da1.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-40/html/container.html

Le documentaire Les soeurs Nardal, les oubliées de la négritude, écrit par Léa Mormin-Chauvac et Marie-Christine Gambart, pour France 5 // Source : France Tv

Les soeurs Nardal ancrent dès le début du XXe siècle en France les questions afro-féministes

Les soeurs Nardal, les oubliées de la négritude permet également de mettre en lumière combien ces figures intellectuelles françaises ont été à l’avant-garde de concepts qu’on ne nommait pas encore comme l’afro-féminisme, le féminisme intersectionnel et la misogynoir. Des notions souvent perçues à tort par une partie du grand public comme des inventions récentes des États-Unis importées en France. Ce précieux documentaire permet donc d’ancrer en France ces questions qui remontent au moins au début du XXe siècle avec les sœurs Nardal.

Écrit par Léa Mormin-Chauvac et Marie-Christine Gambart, ce documentaire se concentre particulièrement sur Paulette (1896 – 1985), l’aînée des 7 sœurs Nardal :

« Femme de lettres, elle a été avec ses sœurs parmi les premières à proclamer l’impérieuse nécessité pour les noirs du monde entier d’être fiers de ce qu’ils étaient. À l’heure où toute une génération s’empare des luttes anti-racistes et féministes, leur combat pour la fierté résonne. »

Les sept sœurs Nardal. FONDS LOUIS THOMAS ACHILLE
Six des sept sœurs Nardal (Andrée était alors décédée) © Fonds Louis Thomas Achille. © Fonds Christiane Eda-Pierre

Qui étaient Paulette Nardal et ses sœurs et pourquoi sont-elles occultées de la Négritude ?

Née 48 ans seulement après la deuxième abolition de l’esclavage (qui a eu lieu en 1848, alors que la première abolition de 1794 avait été révoquée en 1802), Paulette Nardal a grandi élevée par son père Paul (premier noir à avoir bénéficié d’une bourse d’étude pour les Arts et Métiers après l’abolition, avant de devenir le premier ingénieur noir) et sa mère (professeure de musique et pianiste accomplie). Les parents encouragent leurs filles à poursuivre des études alors qu’1 Martiniquais sur 5 est scolarisé au début du XXe siècle. Paulette Nardal quitte sa Martinique natale pour rejoindre l’Hexagone étudier les lettres anglaises et françaises à La Sorbonne. Une fois diplômée, l’aînée donne salon avec ses sœurs à Clamart, où elles invitent de nombreux artistes et intellectuels de tous les horizons.

C’est à leur domicile du 7 rue Hébert que se réunissent notamment Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire. C’est de là aussi que Paulette Nardal écrit dans le journal La Dépêche Africaine, fondé par le Guadeloupéen Maurice Satineau, un texte fondateur, « L’internationalisme noir », où elle prône l’égalité et la solidarité entre les noirs du monde entier, soit l’un des premiers appels à ce qu’on appelle aujourd’hui le panafricanisme.

En 1931, Paulette Nardal créé La Revue du monde noir, avec l’Haïtien Léo Sajous. Chaque numéro propose des enquêtes, des textes d’histoire, des réflexions sur l’économie, l’art, avec la volonté de créer un référentiel culturel et théorique d’une conscience noire. L’intellectuelle assure un rôle rassembleur majeur pour les personnes noires américaines, caribéennes, européennes et africaines, et le matérialise à travers un autre texte essentiel, « Éveil de la conscience de race » qui jette les prémices de ce qu’Aimé Césaire appellera bientôt la Négritude.

Ce documentaire permet aussi de mieux comprendre le contexte dans lequel s’inscrit ces réflexions de justice sociale : en 1931 se tient l’Exposition coloniale qui déshumanise des indigènes des colonies françaises à travers des zoos humains, par exemple (cela fait moins d’un siècle qu’à Paris, on pouvait encore aller voir des humains enfermés comme des bêtes de foire…). En réaction, de jeunes marxistes martiniquais montent la revue Légitime Défense en 1932. Mais Paulette Nardal et ses sœurs, toutes très pieuses, se tiennent loin du communisme et son athéisme rouge. C’est ce qui marque en partie une scission entre elles, et les chantres de la Négritude, Léopold Sédar Senghor, Léon-Gontran Damas et Aimé Césaire. Celui-ci emploie ce terme le premier en 1935 dans la revue L’Étudiant noir (qu’il a co-fondé avec ses deux camarades) pour prôner l’acceptation de soi et dénoncer l’aliénation coloniale : « Il nous faut planter notre négritude comme un bel arbre jusqu’à qu’il porte ses fruits les plus authentiques. »

Le documentaire Les soeurs Nardal, les oubliées de la négritude, écrit par Léa Mormin-Chauvac et Marie-Christine Gambart
Paulette Nardal, au milieu de sa vie. © Capture d’écran du documentaire.

Paulette Nardal et ses sœurs, des figures majeures de l’afro-féminisme en France

« Césaire, Damas et Senghor ont repris les idées que nous avons brandies et les ont exprimées avec beaucoup plus d’étincelles et de brio. Nous n’étions que des femmes, mais nous leur avons indiscutablement ouvert la voie », raconte notamment Paulette Nardal dans ses mémoires, qui poursuit ses engagements féministes et anti-racistes toute sa vie.

En 1945, alors que les femmes obtiennent le droit de vote en France, Paulette, Alice et Lucie Nardal fondent Le Rassemblement féminin. Cette association féministe commence par organiser des convois de transports pour que toutes les femmes de la Martinique puissent aller voter, même depuis les coins les plus reculés de l’île, avant d’ajouter d’autres cordes à son arc pour favoriser leur émancipation. Dans la foulée, elles créent la revue La femme dans la cité où Paulette Nardal écrit sur la place des Martiniquaises dans la société et dénonce les violences conjugales et le machisme.

Confrontée à la méfiance des autorités et au sexisme de ses compatriotes sur ses activités engagées, Paulette Nardal ferme le Rassemblement féminin en 1951 et se consacre à la musique à 55 ans, en co-fondant la chorale « Joie de chanter ». Elle contribue alors à importer le negro spiritual en Martinique (un type de musique vocale et sacrée né chez les esclaves noirs des États-Unis au XIXe siècle, et qui est à l’origine du gospel).

Marraine invisibilisée de la Négritude, Paulette Nardal a tout de même droit à une reconnaissance tardive de certains de ses pairs masculins et des institutions. C’est post-mortem que plusieurs universitaires, en particulier aux États-Unis, se rendent compte de la dimension incontournable des sœurs Nardal et de leurs travaux pour la Négritude, l’afro-féminisme et le panafricanisme. En France aussi, des associations réclament aujourd’hui la panthéonisation de Paulette Nardal, aux côtés des rares personnalités noires à y figurer (comme Félix Eboué, Joséphine Baker, et Aimé Césaire). Et ce documentaire passionnant donne envie d’y croire encore, tant elle a eu un rôle salvateur pour les personnes noires, en particulier les femmes. Comme elle aimait le dire en créole martiniquais : « Mwen ka aidé yo poté la po-a » (« Je les aide à porter cette peau-là »).

Le documentaire Les soeurs Nardal, les oubliées de la négritude, écrit par Léa Mormin-Chauvac et Marie-Christine Gambart, pour France 5

Paulette Nardal – Morne-Rouge 1978 © Jean-Louis ACHILLE


LES SŒURS NARDAL EN BD

LES PENSEUSES DE LA NÉGRITUDE

29 juin 2021 Les enfants de Louis Thomas ACHILLE ActualitésCultureengagementfamilleféministeHistoirehommageLouis Thomas ACHILLEMartiniqueNardalNégritudeParisrevue 1

LES SOEURS NARDAL – La Déferlante #2

Après la BD consacrée à Louis Thomas ACHILLE dans la revue Les rues de Lyon (n° 43 – Juillet 2018), c’est au tour des sœurs Nardal ses cousines germaines, de voir leur histoire racontée en bande dessinée.

La Déferlante numéro 2 Juin 2021
Revue La Déferlante #2 – Juin 2021 – photo Etienne ACHILLE – 2021

Femmes noires engagées

De manière très signifiante, ces figures de femmes en pleine redécouverte entrent par ce médium contemporain au sommaire de la nouvelle revue féministe La Déferlante (n° 2 – Juin 2021), « le média qui observe et questionne la société post-#MeToo ».

Martinique natale

Le récit débute par le dramatique incendie de la maison Nardal à Fort-de-France en 1956 et la destruction des précieuses archives familiales. Les sept sœurs sont ensuite présentées, chacune évoquant sa personnalité.
Le salon de la maison Nardal à Fort-de-France rappelle comment la rencontre et l’échange sur la culture, les idées et la musique ont nourri l’intellect de cette « sororie » (difficile de parler de « fratrie » pour sept sœurs).

À Paris dès les années 1920-1930

Les épisodes de leur arrivée à Paris pour leurs études et de leur fameux « Salon de Clamart » font justice au véritable et essentiel rôle qu’ont joué Jane et Paulette NARDAL, au début des années 30, dans l’émergence de la Négritude comme conscience d’être Noir.

Aimé Césaire la théorisera ensuite en 1935, avec Léopold Sedar SENGHOR (camarade de Khâgne de L. T. ACHILLE au lycée Louis-Le-Grand) et Léon-Gontran DAMAS (beau-frère de L. T. ACHILLE).

L’auteure du scénario de cette publication, dessinée par Raphaëlle MACARON, est Léa MORMIN-CHAUVAC, journaliste, qui avait écrit le bel article « Paulette NARDAL, théoricienne oubliée de la négritude » dans Libération le 26 février 2019.

Le documentaire Les soeurs Nardal, les oubliées de la négritude, écrit par Léa Mormin-Chauvac et Marie-Christine Gambart, pour France 5, disponible en replay jusqu’au 20 septembre 2023 sur le site de france.tv.

Laisser un commentaire

Je débute. Laissez-moi un commentaire ou un Like :)

Entrez votre adresse mail pour suivre ce blog et être notifié par email des nouvelles publications.

Archives